13 JANVIER 2003 - Cry.« N'ai pas peur. » Peur ? T'avais plus peur de rien maintenant. T'avais l'impression d'avoir tout vu, que rien ne pourrait être pire. T'avais même pas quinze ans mais tu ne connaissais déjà plus la peur. Sans doute qu'a force de l'affronter chaque jour, elle te paraissait maintenant comme un sentiment habituel, transparent. C'était comme si t'avais vu à quel point le monde était laid et que n'importe quelle connerie te paraissait normale.
« Je t'en pris assied toi. » Tu t’exécutais, serrant les pants de ton drôle d'uniforme dans tes petits points faibles. Tu posais tes fesses sur le canapé de cuir, inspirant en finissant par t'enfoncer dedans, fixant le plafond, désormais allongé. Tu l'entendis quitter son bureau, ses talons claquant sur le sol, et venir s'asseoir dans le fauteuil tout près de toi.
« Comment tu vas aujourd'hui Luka ? » Tu baissais tes yeux fatigués vers elle. T'avais passé une mauvaise nuit, comme toutes les autres, t'étais pas parvenu à t'endormir, même en comptant les moutons comme te conseillais toujours ta mère de le faire.
« Je sais pas. » Tu dis d'une petite voix, pas vraiment motivé pour répondre à ses questions aujourd'hui. T'avais vraiment envie de retourner te coucher. En plus t'avais froid dans leur tenue pourrie, pourquoi est-ce qu'on ne te laissait pas tranquille ?
« Oh je vois. » Dit-elle, remontant ses lunettes vers le haut de son nez. Elle avait sûrement compris que tu ne comptais pas te montrer très bavard aujourd'hui, parce qu'elle poussa un petit soupir, et réfléchis certainement à un sujet qui pourrait faire mouche. Évidement, comme toujours, elle le trouva sans grandes difficultés.
« Est-ce que ta mère est venue te chercher aujourd'hui ? » Tu levas les yeux vers elle, inspirant. La garce, elle savait comme ce sujet te mettais en pétard.
« Non. » Tu dis sèchement, son petit sourire satisfait de ta réaction qu'elle avait sur les lèvres te foutait encore plus la rage.
« Et ton père ? » Tu roulas les yeux, déjà gavé.
« Il est passé ce matin mais j'en ai rien à foutre. » Tu serrais les poings. Elle se leva, retournant à son bureau, faisant cliqueter son stylo. Tu frissonnas, il faisait vraiment trop froid ici. Tu serrais les dents, ramenant tes jambes squelettiques vers toi.
« Je suis pas un jouet d'accord ? Vous allez arrêter vos espèces d'analyses ou expériences sur moi... J'en ai marre... Je veux rentrer à la maison... » Tu suppliais finalement à la fin, posant ton menton sur tes genoux en sanglotant doucement, craquant, à bout de nerfs. Elle avait l'air d'en avoir absolument rien à foutre. Elle faisait sa mine triste mais tu savais mieux que quiconque que ça ne voulait rien dire. Son regard était froid, et c'est ce que tu détestais chez elle.
« Ton père est là. Ça ne te suffis pas ? » T'avais envie de la frapper. Mais ta dernière crise de violence t'avais déjà amené dans cet endroit de merde, t'avais tout sauf envie de recommencer... Bordel, ce que t'aurais aimé revenir en arrière, et ne pas exploser la tête du petit Kevin à la récré... Alors on ne t'aurait pas enfermé ici, et tu serais resté à la maison, bien au chaud.
« Je m'en fou de mon père, il est aussi tarés que ses patients... Pourquoi vous me laissez pas partir ? Écoutez je suis pas violent, c'était un accident je... » Elle pinça les lèvres.
« Kevin est mort, Luka. » T'écarquillas les yeux, ouvrant grand la bouche.
« Q-Quoi ? » Elle nota quelques trucs sur son putain de cahier, avant de soupirer.
« Tu l'as tellement frappé qu'il est mort. Il était beaucoup plus jeune que toi... Et c'est pour ça que tu es ici, parce que tu as un problème. » Tu croisas son regard, pinçant les lèvres.
« Je n'ai pas de problème, il avait insulté ma mère. » Elle haussa les épaules.
« Tu trouves que c'est une raison suffisante pour le frapper comme tu l'as fais ? » Tu la fixais avec de la haine dans les yeux. T'avais pensé l'espace d'une seconde qu'elle pourrait t'aider à sortir d'ici, mais elle était comme les autres, juste une connasse qui te gardait enfermé ici.
« Bien sûr que oui. » Tu répondis, te levant lentement.
« Je veux qu'on me ramène dans ma chambre. » Elle leva un sourcil.
« C'est moi qui décide. » Tu serras les dents.
« Ramenez moi... » Tu dis, avec un certain ton de supplice dans la voix. T'en pouvais plus.
« Non. » Dit-elle, continuant d'écrire. Tu serrais les poings, t'approchant à petit pas d'elle, pied nu sur le carrelage glacé.
« LAISSEZ MOI RENTRER. » Tu hurlas, passant un grand coup ta main sur son bureau, et faisant tomber tous les bibelots s'y trouvant au sol. Elle sursauta, alors que tu frappais ton poing sur le bureau, la regardant droit dans les yeux.
« ...Laissez moi rentrer putain... » Elle déglutit, te regardant avec terreur. C'était comme ça, t'avais bien compris maintenant, pour qu'on t'écoute, fallait que tu fasses peur, que tu montres les poings.
«..D-D'accord... » Elle appela les infirmiers, qui virent t'empoigner avec leurs poings puissants, et te ramener dans ta chambre. Tu te laissais faire, baissant les yeux, ton épaisse mèche noisette tombant sur tes yeux.
19 AVRIL 2005 - LOVE FAITH.« Pleure pas bébé. » Il avait beau te dire ça toi tu t'en foutais, les larmes coulaient encore et encore, ses petites perles transparentes glissant sur tes joues et usant ton visage balafré. Tu t'étais encore battu ce matin, avec l'un des mecs de l’hôpital psychiatrique, pour rien en plus, pour évacué la frustration. C'était devenu une habitude de te battre pour un rien. De toute façon, tu savais que jamais tu ne sortirais d'ici, alors t'avais plus rien à perdre. T'avais déjà tout perdu.
« Luka... Arrête de pleurer. » Il répétait, attrapant ton visage entre ses mains, essuyant tes larmes et déposant des baisers sur ton front. T'inspirais, les lèvres tremblantes.
« J'en peux plus Darwin... J'en peux plus... Viens on se sauve toi et moi, tous les deux... On se sauve à la campagne... T-Tous les deux... » Il soupira, caressant doucement ta joue.
« On se ferait prendre mon ange. » Tu baissais les yeux, fixant le sol, n'ajoutant rien d'autre. Alors rien à faire, jamais tu ne verrais la lumière du jour à nouveau ? Il le fallait, c'était pas une vie d'être enfermé comme ça, promené comme un chien dans un petit parc artificiel, tenu en laisse...
« Calme toi, je suis là, c'est rien... » Il soufflait de sa voix rauque et apaisante. Tes sanglots finirent par lentement s’apaiser, et tu posais ta tempe contre lui, fermant les yeux. Il vint t'embrasser doucement. Tes lèvres avaient le goût des larmes et du désespoir. Rien n'allait plus. T'étais enfermé depuis bien trop longtemps, t'en pouvais plus.
« Ça va mieux ? » il demanda, te berçant presque, doucement dans ses bras. Tu poussas un long soupir, hochant lentement la tête.
« Oui ça va mieux. » Tu dis, reniflant, comme si c'était la vérité. Il afficha une grimace peu convaincue, sachant bien que tu manquais, mais n'ajouta rien de plus.
« Allez, il faut dormir, l'infirmière va passer faire son contrôle... Je suis là hein, juste à coté.... Allez dors. » T'avais pas de mot pour nommer la relation que t'entretenais avec Darwin. Tu savais juste qu'il était là, et qu'il savait trouver les mots pour t’apaiser. T'étais pas amoureux de lui, et lui non plus, mais vous étiez l'un pour l'autre, et vous tâchiez de vous inventer un certain amour de jeunesse. Tu savais que t'aurais sûrement que lui, c'était un amour artificiel un peu imparfait, comme une première fois ratée. Mais tu l'aimais d'une autre manière, et lui aussi, et vous vous contentiez de cela.
« Merci. Bonne nuit... » Il t'embrassa une dernière fois avant de rejoindre son lit, dont le pied affichait une pancarte, gravée en toutes lettres :
DARWIN JONES, SCHIZOPHRÉNIE PARTIELLE. Et toi tu t'enfonçais dans tes propres draps, d'un soupir, alors que ta propre pancarte annonçait elle en lettres capitales :
LUKA WESTFIELDS, BIPOLARITÉ COMPLÈTE, VIOLENT.30 OCTOBRE 2007 - SAD. « Faut plus que tu fasses ça, Luka. » Tu levais les yeux vers lui, le regard usé et les contours des yeux boursouflés. T'avais l'impression de ne pas avoir dormis pendant deux jours tant la fatigue t'accablais de partout. T'avais vraiment l'impression d'être un zombi, ou une marionnette qui ne tenais qu'a des fils.
« Oui. » Tu disais juste, pour lui faire plaisir. Mais lui il voulait que tu lui promette, que ce ne soit pas des paroles en l'air. T'avais pas la force de promettre quoique ce soit, t'avais l'impression de mourir de l'intérieur.
« Promet moi. » T'haussais les épaules, le regard las, la peau si pâle, ton état se dégradant de jour en jour. Les médicaments, l'enfermement, les tests et les séances de psychanalyse te tuaient petit à petit, et te rendaient malade.
« J'peux pas. » Tu disais, les lèvres tremblantes, fixant ton repas décongelé sans envie, ni force de le manger.
« Et pourquoi pas ? » Il demanda, posant la main sur la tienne, la caressant doucement. Tu baissas les yeux vers les nombreux bandages que t'avais autour du poignets, là où le morceau de verre était volontairement passé.
« Parce que si t'es plus là ça n'a aucun sens. » Il poussa un long soupir, glissant ses doigts dans tes cheveux, alors que t'avais envie de juste fermer les yeux et t'endormir, sans une parole de plus.
« Je change d’hôpital, je n'ai pas le choix bébé... Mais je t'aime, et puis on s’appellera de temps en temps. » Tu disais rien, fixant ton assiette. Comment pouvaient-ils te faire ça ? T'étais à bout de force.
« Faut que tu manges aussi... » Tu soupiras.
« T'es trop faible... Mange un peu. » Tu secouais la tête, repoussant ton assiette.
« Luka... » Tu reniflais.
« Je vais faire quoi sans toi... » Il soupira de plus belle, caressant ton dos.
« Ça va aller... promet moi juste que plus jamais tu ne feras ça... Tu te fais du mal... Luka ? » Tu e demandais pourquoi il s'inquiétait tant pour toi alors que c'est lui qui changeait d’hôpital et qui partait vers l'inconnu. Qui sait ce qu'ils lui feraient là bas ?
« Moui. » Tu disais en reniflant, alors qu'il retirait alors lentement les deux bracelets qu'il avait au poignets droits, épais et de couleur arc en ciel. Il les appelait ses bracelets de bonne humeur, toi t'aimais bien dire pour le faire chier que c'était plutôt des bracelets qu'il avait eu à la gaypride.
« Tiens, prends les. » Tu levais les yeux vers lui.
« Tes bracelets de pédé ? » Il rit, déposant un baiser sur ta joue avant de de les enfiler, le posant sur tes cicatrices, tes scarifications. Tu le fixais, écarquillant les yeux.
« Je te les donne, ça te mettras de bonne humeur. » Tu gonflas les joues, rougissant un peu.
« J'vais me faire draguer par les docteurs sodomites ouais ! » Il éclata de rire, glissant ses doigts dans tes cheveux.
« Ils te tiendront compagnie... » Tu le fixas un moment, les yeux levés vers lui, avant de soupirer longuement et de te jeter dans ses bras, gémissant et sanglotant.
« Tu vas me manquer, vraiment beaucoup Darwin... m'oublie jamais. » Tu ne le voyais pas mais tu devinais qu'il souriait alors doucement, te serrant contre son torse.
« Promis. » Et le lendemain, il était partit.
21 DECEMBRE 2008 - DEATH. « Docteur, je peux entrer ? » Elle ne l'avait que rarement vu comme cela. Il paraissait dans ses pensées lointaines, relisant sans cesse l'article de son journal et sa cigarette se consumant entre ses lèvres. Elle l'aurait plutôt imaginé larmoyant suite à une telle nouvelle mais rien, pas une réaction, pas un sanglot, juste le vide.
« La police vous réclame... Ils veulent vous poser quelques questions... » Il ne répondit pas, semblant presque inerte.
« Monsieur Westifields ? » Il inspira, les cendres de sa cigarette tombant sur le plancher.
« Oui oui.... La police... Hmm... » Elle grimaça, un peu décontenancée, s'approchant doucement du bureau.
« Vous allez bien ? » Il posa enfin son regard sur elle.
« Mon fils vient d'être retrouvé pendu avec sa sonde d'alimentation... A votre avis je vais comment ? » Elle déglutit, baissant les yeux, constatant un peu trop tard que la question était mal venue.
« C-Ce n'est pas votre faute vous savez... » Il ferma les yeux, inspirant douloureusement.
« Bien sûr que si. Je l'ai traité pendant des années comme un cobaye mais certainement pas comme mon fils...C'était un gamin malade, mais j'ai su que voir l'opportunité qu'il représentait pour mon job... j'aurai jamais de second enfant, Clara est beaucoup trop faible.. L-Luka était le seul. » Il ravala un sanglot, et elle écarquilla les yeux.
« J-J'aurai dû l'envoyer à l'école je... Il était malheureux ici... Il se mutilait de partout, essayait de sauter par la fenêtre... Putain. » Elle fouilla dans sa poche et lui tendit un mouchoir, il lui arracha presque des mains.
« J'vais aller enterrer mon gamin de vingt deux ans ce soir. J-J'pensais pas que ça arriverait un jour... » Elle inspira à son tour, alors qu'il retirait ses lunettes et se frottait les yeux. Elle remarqua alors qu'il avait les photos du corps juste devant les yeux, et que le petit diablotin de Westfields junior s'était envolé, de la pire des façons.
?? ?? ?? - STRANGE. « A plus tard, Peeves ! » Elle t'adressa un grand sourire, dans lequel tu découvrir deux immenses canines, avant de partir, refermant les pants de son manteau. Tu lui adressais un petit sourire, tirant sur ta clope et ramenant tes jambes contre toi. Tu sentais rien. La fumée arrivait dans ta bouche avant de mystérieusement disparaître. T'étais un fantôme. T'étais totalement vide à l'intérieur. Même sous forme humain tu bouffais pas, tu buvais pas. T'étais incapable de le faire, t'étais seul à l'intérieur. Pas un seul organe. T'étais transparent, un esprit.
« Hey Peeves, tu viens à la patinoire avec nous ? » T'aimais cette éternelle joie qu'ils avaient en eux malgré leur situation. Toi t'étais de nature blasé, mais en vérité t'avais envie de hurler partout. T'étais pas tout seul dans ta tête.
« Non merci. » Tu dis, souriant en coin en tirant à nouveau sur ta clope. Il te demanda un briquet tu allumas la clope qu'il te tendait. Il disparu en te remerciant breffement, et tu te retrouvas à nouveau seul, comme toujours. Tu t'étais appelé Peeves parce que tu ne voulais pas qu'on te reconnaisse. Luka était mort désormais, tu ne voulais plus te souvenir de ta vie d'avant, beaucoup trop douloureuse à ton goût.
« Peeves chéri, tu veux venir avec nous au bar ? » Mais rien, tu refusais, poliement, t'asseyant sagement en tailleur.
« Peeves, tu viens ? » Tu reconnus
sa voix, et tu souris en coin, te redressant.
« J'arrive, Yulian. »